Périphérie

Nous continuons cette semaine notre cheminement ensemble, par une réflexion sur un mot proposé par un de nos lecteurs, le mot périphérie. De prime abord, ce mot ne semble pas correspondre à nos questionnements spirituels habituels et mérite un approfondissement pour comprendre la raison de cette demande.

Si l’on se réfère à la définition générale, la périphérie est ce qui s’étend sur le pourtour de quelque chose, une ligne qui délimite une surface. C’est aussi un ensemble de quartiers éloignés du centre d’une ville. Le mot périphérie peut résonner en nous de façon péjorative car il nous éloigne de notre zone de confort et de nos routines bien établies et rassurantes. Mais quel est donc le lien à faire avec notre spiritualité ?

Le pape François met la périphérie au cœur de l’Eglise :

« L’Eglise est appelée à sortir d’elle-même et à aller vers les périphéries, pas seulement géographiques, mais également celles de l’existence, celles du mystère du péché, de la souffrance, de l’injustice, celles de l’ignorance et de l’absence de foi, celles de la pensée, celles de toutes les formes de misère »

Le pape François, de formation jésuite, a pour vocation de se mettre au service de l’Eglise catholique en axant son activité sur l’évangélisation, la justice sociale et l’éducation et ce bien avant d’avoir été élu pape. Pour lui, l’Eglise ne doit pas vivre repliée sur elle-même et pour elle-même mais au contraire avoir le courage de sortir de ses habitudes pour porter l’évangile la ou il n’est ni entendu, ni reçu. Il est donc nécessaire de sortir des traditions séculaires par un changement de mentalités et de comportements au sein de l’Eglise plus conforme aux réalités sociopolitiques du monde actuel en sortant des territoires habituels pour fréquenter les périphéries géographiques, culturelles et morales.

Le mot périphérie est donc essentiel et prend tout son sens avec cette vision moderne de l’appel missionnaire du pape François, et nous allons essayer de développer toutes les possibilités qui s’offrent à nous pour répondre à cette demande. L’Eglise pour agir aux périphéries doit accepter de se décentrer de son espace habituel, ne pas être seulement une Eglise qui accueille et qui reçoit mais qui trouve de nouvelles routes et de nouveaux moyens d’agir pour l’autre. Elle doit être capable d’aller vers celui qui ne la fréquente pas ou qui ne la fréquente plus ou qui est indifférent. Les acteurs de l’Eglise sont en mesure de transformer la société par leur foi, accueillir tous ceux qui frappent à la porte sans chercher à les garder dans le giron de l’Eglise.

Pour regarder et voir les périphéries de l’Eglise, il faut interroger son cœur et le tourner vers Dieu, se laisser pénétrer par l’esprit Saint pour changer son regard, ouvrir ses oreilles et voir avec le regard du Christ. Porter l’évangile, c’est aussi entendre tous ceux qui se sentent en marge de l’Eglise, qui blessés par la vie n’osent pas ou n’ont plus la force de croire. Parfois, nous fermons notre regard par peur, parce que la situation de ces personnes exclues nous semble insoluble et que nous pensons ne pas avoir les moyens de répondre à leur détresse.

Les périphéries de l’Eglise, c’est toutes les formes de pauvreté et d’isolement que nous pouvons rencontrer dans l’église et à côté de l’église. Il n’est souvent pas nécessaire d’aller loin car la périphérie se trouve à notre portée de main et de regard, dans notre entourage.

Nos chemins de vie peuvent nous amener à penser que nous sommes exclus de l’Eglise, comme les personnes divorcées. L’Eglise a une position ambiguë qui peut mener à un sentiment d’exclusion et faire se détourner de la foi. En effet, l’Eglise accueille le divorcé tout en lui refusant les sacrements. Il existe une dichotomie entre la mission d’accueil de l’Eglise et l’obligation de celle-ci de répondre à des lois séculaires dépassées.

Vivre un chemin de foi et d’amour du Christ en périphérie, c’est vivre dans des groupes, dans la fraternité, permettre à chacun de se sentir accueilli tel qu’il est, là ou il en est. La mission de chacun est de faire grandir l’humain dans chaque rencontre. Il est nécessaire de sortir du discours de désabusement comme quoi on ne peut rien faire pour changer les choses car les décisions sont politiques et nous dépassent. Le changement est possible par une multiplicité de petits gestes quotidiens, économiques, écologiques, mais surtout par nos attitudes et nos mots. La confiance et la bienveillance désarment : sourire, avoir des paroles d’espérance, s’attacher à ce qui est positif, être optimiste et à contre-courant de la morosité du temps et des médias, c’est être acteur du changement et porteur du témoignage de sa foi.

L’important est de vivre l’amour dans chaque acte de vie car la foi chrétienne c’est d’aimer son prochain. Vivre sa foi, ce n’est pas seulement aller à l’église, prier, aller à la messe, mais c’est mettre l’Evangile au cœur de sa vie de tous les jours. Dans mes routines et mes habitudes, l’amour de Dieu se traduit en actes, porter un regard miséricordieux, avoir de la patience, ne pas juger, dépasser ses certitudes religieuses, morales sociales et culturelles pour appréhender l’autre en tant qu’homme qui a autant à m’apprendre sur ce qu’est Dieu.

Les paroles du pape sont destinées à chacun d’entre nous qu’il soit engagé ou non dans l’Eglise. Aller vers l’autre, rencontrer des gens même non religieux c’est aussi cela la mission qui nous est donnée. Au-delà de la religion, nous pouvons partager une même foi en l’homme et en ses capacités, vivre ensemble dans la confiance en faisant de nos différences des forces de vie.

Aineo est un bel exemple de mission en périphérie, un groupe de personnes différentes, avec des professions différentes, des idées et des pratiques différentes. Cependant, un groupe uni, qui donne de son temps et de son énergie pour partager l’amour de Dieu à travers la musique et le chant. Le résultat est la satisfaction d’apporter du bonheur à autrui malgré des pratiques religieuses et sociales différentes. Quelque soit la culture, le message est le même : sortir de chez soi, aller à la rencontre de l’autre et mettre en lumière la présence du Christ au cœur de l’humanité. Mais à chacun sa culture, son histoire personnelle, son langage et ses façons de faire. Ce qui fait le charme de l’humanité, c’est sa diversité. La foi chrétienne n’est pas une négation des différences culturelles mais au contraire sa mise en valeur, car la fraternité humaine que Dieu attend de nous est plus importante que les différences culturelles existantes.

Finalement, dans ce monde ou le matériel et l’individualisme sont légion, cet appel du pape François à aller vers les périphéries est une invitation à vivre notre foi par des actes en chacune de nos vies. Porter le message du Christ sans prosélytisme, non pas pour convaincre mais pour soulager autrui et partager des valeurs humanistes et des croyances différentes. C’est une chance pour chaque chrétien d’apprendre à vivre concrètement sa foi et d’aller vers un monde plus fraternel. Il n’est pas nécessaire de vouloir convertir à tout prix, aimer l’autre avec ses différences et ses fragilités suffit à mettre en évidence la présence de Dieu. Alors, ne craignons pas nos différences et le jugement d’une Eglise aux lois obsolètes. Laissons notre cœur parler et réveillons l’espérance en étant des acteurs de l’Eglise qui agissent au quotidien en créant du lien social et fraternel, en faisant fructifier le vivre ensemble et ces liens sociaux qui nous unissent.

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